Pas mal d'albums à se mettre entre les oreilles. Une paire de concerts et les bouchées doubles en prévision des futures aventures de Randy Washmatic.
Ces jours, sort un des albums majeurs de l'année 2012. Sans doute de bien des années à venir tant il est inclassable et intemporel. Patrick Watson révèle son très attendu quatrième effort et renvoi, dos à dos, Andrew Bird et Sufjan Stevens à leurs gammes. "Adventures in your own Backyard" est bien le chef-d'oeuvre imposant et délicat pressenti. Nocturne et radieux, le disque du canadien est un ravissement permanent; une immersion captivante. Un album qui, à l'époque de la musique fast-food, a tout de même ses exigeances : il doit s'écouter dans son entiereté pour révéler sa force tranquille et sa splendeur magistrale. Pas question de le tronçonner sans vergogne. Les amateurs de Brian Wilson, Sparklehorse ou Jeff Buckley devraient s'y sentir bien.
Après Gnarls Barkley, The Black Keys ou Gorillaz, l'omnipotent Dangermouse a jeté son dévolu sur un duo de Los Angeles : "Electric Guest". Auteurs d'un single accrocheur (où on reconnait immédiatement la patte du producteur) intitulé "This head I hold" (suivi d'un e.p. prometteur contenant un petit chef d'oeuvre pop de 8 minutes "Troubleman"); les anges passent au format grand. On craint le pire à l'écoute du titre d'ouverture (un "Hole" incompréhensible qu'on croirait sorti tout droit d'un mauvais album de Hot Chip). Mais dès le second morceau, c'est la mise en orbite. Une pop qui plane très haut. Ce mélange de rythmiques vintage chers à Dangermouse au service d'arrangements audacieux et souvent inattendus. Une bonne surprise.
On évoquait les Black Keys...Alabama Shakes devrait séduire une bonne partie de leur électorat. Blues popifié, rock groovy, soul catchy...Garbage a décidément très mal choisi son timing pour revenir...
Et puisqu'on parle de soul, comment ne pas tomber en pâmoison devant le nouvel opus de Quantic qui, cette fois, s'est adjoint les services de l’impressionnante vocaliste Alice Russel. On sort immanquablement troublé par les accointances vocales de cette dernière avec Dusty Springfield.
Déception is a nine letter word... c'est ainsi qu'on rebaptisera, non sans peine, le nouvel album de Jason Mraz. Son prédécesseur laissait entrevoir la possibilité d'une idylle... C'était plié d'avance : le prochain album allait être le "Thriller" blanc qui mettrait le monde à genoux et réhabiliterait la paix sur terre (après tout de Jason à Jackson, il ne fallait pas grand chose...) Et patatras... à l'exception d'un merveilleux "Be Honest" relegué en fin d'album, on déplore l'absence de l'alchimie qui avait tellement bien fonctionné sur "We Sing.We Dance..." Signe des temps : les charts sont loin d'acceuillir ce disque à bras ouverts...Dommage.
Souvent, la perle rare est à portée de main et on ne la voit pas. Venue de Flandres; Sarah Ferri reprend le flambeau encore tiède laissé par Dany Klein tout en élargissant le spectre d'un genre de moins en moins codifié : le jazz vocal. Les fans de Melody Gardot, d'Hindi Zara et peut-être même ceux d'Antony & the Johnsons devraient se retrouver dans cet univers barilolé et riche. La voix de Sarah Ferri est merveilleuse et se joue des régistres avec une aisance inouie. Frais comme le Printemps.
"je suis la maman d'un mouvement construit sur des falaises de biscuits"...a déclaré Sébastien Tellier au magazine Les Inrocks, à l'occasion de la sortie de son nouvel album concept : "My God is Blue"... Il nous fait toujours autant rigoler l'ami Sébastien avec ses "histoires de coiffeurs" et de "pepitos bleu"... Shaman barré... Sorte de Démis Roussos sous acide, Sebastien Tellier signe un album à sa démesure. Un disque qu'on aurait pourtant tort de railler car il mérite qu'on s'y abandonne... A mille lieues de la délicatesse d'orfèvre de Patrick Watson, on se laisse tout de même emporter par la maestria louffoque du compositeur sur plus d'un titre (de l'ultra efficace "Cochon Ville" à l'imposant "Against the LAw") "My God is Blue" tient bien son rang et est souvent digne du meilleur DAft Punk.
Côté concerts : les sympathique Pony Pony Run Run étaient de passage au Bota la semaine dernière. Malgré la bonne humeur communicative du très charismatique chanteur Gaétan Réchin; on déplore tout de même un concert sans grand relief et sans surprise...
Et, ce Dimanche, au centre culturel "Les Chiroux" de Liège, Benjamin Schoos donnait la première représentation scénique de son album "China Man vs China Girl". J'ai déjà dit tout le bien que je pensais de ce disque...mais je sais à quel point il est périlleux de mettre en scène un album concept. Difficile en effet d'entrainer le public à la fois dans un concert et dans un récit... Je me souviendrai toujours des gens assis derrière moi aux Bozar ; lors de la représentation du "Condamné à Mort" par Etienne Daho et Jeanne Moreau, l'an dernier... Le type n'avait pas compris qu'il n'assistait pas à un concert du répertoire de Daho... Dès le quatrième titre, il commença à faire des réflexions plutôt cocasses du genre : "pff qu'est-ce qu'il est devenu vulgaire...et la vieille là, c'est quand qu'elle se barre..." Véridique et consternant... L'allusion à ce spectacle de Daho n'est pas innocente. Il possède une point commun indéniable avec celui de "China man vs China girl" : la sobriété. En optant pour une mise en scène dépouillée, Benjamin - entouré de deux claviéristes et d'un bouquet de roses - donne vie à son personnage de catcheur fragile, métaphore de la vulnérabilité de l'homme face à la femme. L'incarnation est parfois hésitante mais privilégie l'émotion . La voix de Benjamin est plus touchante, moins intimidante sur scène que sur disque. Là où d'autres auraient tendance à surjouer le personnage; l'homme fait dans la retenue. Passée la tension palpable des 2 titres d'ouverture, l'atmosphère se décontracte suite à une contrepèterie inopinée qui fend d'un sourire le masque du principal intéressé. C'est évidemment involontaire, mais ça fait tout de même son petit effet. Il faut dire qu'avec les olibrius qui assuraient la première partie du spectacle, le public était mis en condition. Le groupe "9 mars" repousse toute les limites du songwriting electro-minimaliste. Ce duo là, c'est un peu les Pet Shop Boys victimes d'un AVC et chantant en français... Mais revenons à Benjamin. Musicalement parlant, les morceaux lents de l'album sont magnifiquement restitués (mention spéciale au claviériste Chris Cerri qui enrichi notablement les atmosphères d'une palette jazz de très bon aloi). Les morceaux plus enlevés souffrent d'une légère rigidité que viendrait peut-être casser l'une ou l'autre guitare (j'aurais bien aimé que Marc Morgan qui était dans la salle, bondisse sur scène sur "Je ne vois que vous"...Mademoiselle Nineteen aussi d'ailleurs...). Si tous ces choix semblent bel et bien assumés; le show aurait tout à gagner en développant un visuel fort. L'imagerie et les codes du catch ainsi que les références cinématographiques évoquées tout au long de l'album pourraient constituer les éléments d'une scénographie complémentaire...
Le concert se termine de manière émouvante, sur un titre écrit par le regretté Marc Moulin. Une ode aux lumières qui s'éteignent...et au regret qu'elles suscitent... Pour sûr, il n'y avait pas de plus belle façon de terminer un concert.
Je n'ai pas regretté d'avoir fait le déplacement. J'ai pu rencontrer Benjamin après son concert. Un chic type. Il a même accepté de me dédicacer son disque...et, plus encore, il est désormais un des rares détenteurs de la démo de Randy Washmatic...pourvu qu'il ne l'oublie pas dans une poche de son costume de scène avant de le porter au pressing...ce serait tout de même une comble ;)
Ne le manquez pas lors de son passage à Bruxelles, le 22 juin prochain.
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