La vie est une compil. Chaque jour est une playlist. L'amour est un remix...

samedi 29 mai 2010

John Grant - Queen of Denmark

La pochette de ce disque a beau être tour à tour intrigante, fascinante puis effrayante; elle n'en reste pas moins avare de commentaires... Surtout pour un daltonien comme moi. Car des caractères fuchsias placardés sur l'image violente et violette d'un corbeau écrasé; ça ne me laisse aucune chance de parvenir à déchiffrer les notes intérieures de pochette... Heureusement, un gros sticker rouge à peine vulgaire (style "vu sur RTL" de notre enfance) appliqué sur le film plastique protégeant le cd nous donne une indication vitale : "featuring all members of Midlake". Cette inscription suffit pour arracher le disque de son étalage et se ruer vers le caissier de cette grande surface où personne n'est fou (lire critique de l'album des Black Keys). On se posera la question de savoir qui est John Grant plus tard... Pour l'heure, avec Midlake aux commandes, on est sûr de ne pas être déçu... De fait, "Queen of Denmark" est une pure merveille qui dépasse de loin le pourtant remarquable "Courage of Others" sorti en ce début d'année. On se dit que la bande de Denton réussit là un joli doublé pour 2010...mais ce serait oublier de rendre justice au maître de maison de ce disque fabuleux : le mystérieux John Grant, donc.
Dans le genre "revenant que personne n'attendait", on a rarement fait mieux. John Grant fut, le temps de 5 albums, leader du groupe The Czars. Un honnête groupe de rock alternatif américain dont le meilleur souvenir reste pour moi la renversante reprise de "You don't know what love is" (un classique du répertoire jazz immortalisé par Chet Baker ou Ella Fitzgerald). C'est à cette époque qu'il fit la connaissance de Simon Raymonde (ex membre des Cocteau Twins) qui le signa lui et son groupe sur son label Bella Union.
Entre le dernier album des Czars (paru en 2005) et "Queen of Denmark", John Grant a connu une véritable descente aux enfers. L'alcool et la drogue le menerent à une déchéance dont il failli ne jamais sortir... C'était sans compter la bienveillance de l'ami Raymonde. Entretemps, ce dernier avait signé une joyeuse petite bande de Denton, Texas sur son label. Il pensa tout naturellement que Midlake serait le soutien nécessaire qui permettrait au talent de Grant de refaire surface. Le pari est gagné.
"Queen of Denmark" est un chef d'oeuvre de songwriting classieux. Quelquepart entre un Rufus Wainwright un peu moins folle (mais un peu folle tout de même...le titre de l'album en dit long sur son auteur) et un Anthony & the Johnsons moins apprêté.
Traversé de moments de grâce pure (la voix de soprano qui hante le titre d'ouverture) et de tristesse poignante ("Where Dreams go to Die", un morceau sur lequel tout le monde pleurera un jour ou l'autre); l'album sait aussi se faire plus pop et léger. John Grant parvient à rire de ses malheurs et à nous entraîner dans son humour ("I feel just like Sigourney Weaver/When she was killing all those aliens"). Des chansons comme "Jesus Hates Fagots" (Jesus déteste les pédés) ou des petites autocritiques cinglantes telles que "j'ai voulu changer le monde mais je n'ai même pas réussi à changer de sous vêtements" parviennent toujours à redresser la proue du navire lorsque le moral plonge dans les chaussettes...
Musicalement, il y a là tout le savoir faire de Midlake. Une parfaite maîtrise du songwriting tendance années septante. Les Inrocks disaient récemment qu'en écoutant ce disque, c'est un peu comme si "Elton John était un jour entré dans le corps de Neil Young". Je dis : pas mieux!
Ici aussi, pour contrebalancer des arrangements de corde vertigineux et des lignes de piano tristes; on entendra souvent des petits sons de claviers vintage qu'on croirait tout droit échappés du "Moon Safari" de Air.
Une réussite incontestable.
Et vive la reine !

jeudi 13 mai 2010

The Black Keys - Brothers

Ce disque est un "instant classic". Le genre d'album qui déboule dans votre petite vie morose et met une grande claque à la fatalité.
Hier, durant ma pause de midi, je me suis rendu dans une grande surface qui clame haut et fort que "nous ne sommes pas fous"...et j'ai entendu ce disque qui, non content de m'envoûter littéralement, faisait joliment mentir le slogan publicitaire de cette chaîne de magasins.
Ca n'a l'air de rien comme çà; mais Dan Auerbach & Patrick Carney aka The Black Keys viennent de réussir un joli coup de maître.
Pourtant "Brothers", leur dernier album, ne démarre pas en trombe. Au début, c'est toujours le même rock mâtiné de blues, la même recette, sortie du même tiroir...Et puis, insidieusement, au fil des morceaux, une dimension plus pop que sur leurs précédents disques s'insinue et vous précipite dans l'addiction la plus totale.
Ce n'est pas "un tout petit supplément d'âme" qui transcende cet album...c'est carrément une "orgie de sainteté".
Parti pour durer.

The New Pornographers - Together

Voici un disque printanier à souhait. De jolies mélodies bourgeonnantes nous rappellent qu'on est plus en hiver mais que, même si on y a cru, l'été n'est pas encore là.
Pour leur cinquième album, les canadiens de The New Pornographers confirment leur savoir faire en matière d'écriture pop flamboyante. Un peu moins habités et incandescents que les chansons de leurs  compatriotes d'Arcade Fire (à qui l'on pense souvent); les titres de "Together" s'alimentent au feu sacré allumé par les Beatles et perpétuent une tradition de power pop salutaire.
En plus de rappeler Arcade Fire, les jolies harmonies vocales et orchestrales évoquent également Love, les Beach Boys voir Prefab Sprout ou même les Pixies.
Leur précédent opus ("Challenger" en 2007) m'avait fait très bonne impression. Le petit dernier achève de me convaincre. Et je commence à entrevoir le sens de  ces quelques vers énigmatiques de Marcel Thiry qui me hantent depuis mon plus jeune âge :
"Toi qui pâlis au nom de Vancouver,
Tu n'as pourtant fait qu'un banal voyage;
Tu n'as pas vu la Croix du Sud, le vert
Des perroquets ni le soleil sauvage."

Assurément, ce disque vaut le voyage.

mercredi 12 mai 2010

Tiercé gagnant ! (Samir Barris-Arnaud Fleurent Didier-Gaetan Roussel. Nuits Botaniques 11.05.10)

Hier soir, dans le cadre des institutionnelles "Nuits Botaniques", je me suis rendu au Cirque Royal pour assister à une soirée à l'affiche alléchante qui a, dans l'ensemble, tenu ses promesses.
Samir Barris, Arnaud-Fleurent Didier et Gaëtan Roussel ont tour à tour investi la salle historique de la rue de l'enseignement pour assurer le service après vente de leurs albums respectifs.
Bien que très jeune d'aspect (avec son look d'éternel premier communiant), Samir Barris n'est pas le plus vert des trois comparses. Cela fait longtemps qu'il officie dans les arrières scènes de la pop belge. Avec son groupe Melon Galia il était même allé jusqu'à débaucher le producteur culte John Cunningham pour la réalisation d'un album sorti en 2000, qu'il serait bon de redécouvrir. Sabordée à l'aube d'une reconnaissance qui eut été bien méritée, la carrière de Melon Galia a donc été fulgurante. Samir fut le premier a se remettre en selle. Timidement bien sûr... C'est un peu une seconde nature chez lui. Qui sait qu'il a déjà sorti deux albums depuis le démarrage de sa carrière solo? Cest donc très timidement qu'il investi, le premier, la scène du Cirque. Il est à peine 20h passées et la salle est encore à moitié vide (le Cirque n'aura d'ailleurs pas été complet, même pour Gaetan Roussel). Samir n'a pas d'autre choix que de remercier les gens ponctuels en entamant son set. Accompagné de son fidèle acolyte Nicholas Yates à la contrebasse, il livre une prestation juste et sensible avec cette petite pointe d'humour qui sauve l'absence de show. L'ensemble fait penser au meilleur des Kings of Convenience mariés pour l'occasion à Jobim, Vian et Baudelaire. Il ne reste plus au gentil Samir qu'à assumer son statut de valeur sûre de la chanson francophone belge. cela devrait l'aider à être moins pétrifié face à une salle qu'il a fini par conquérir.

Arnaud-Fleurent Didier aura beaucoup plus de mal à faire l'unanimité. Il déboule sur scène avec son univers glaçant, mêlant cynisme et tendresse; humour grinçant et psychédélisme trendy. Sa voix fade n'est pas son atout majeur. Pourtant, l'auteur d'un des plus impressionnants disque français de ce début 2010 ne m'aura pas complètement déçu. Circonstance atténuante de taille : un son proprement désastreux qui, la plupart du temps, rend inaudibles les textes pourtant fondamentaux chez A.F.D.
Mais le son n'excuse pas tout. Si Fleurent Didier se révèle un multi-instrumentiste plutôt convaincant; que dire du groupe qui l'accompagne ? Sur scène, le manque d'harmonie est flagrant. On dirait que ces musiciens jouent ensemble pour la première fois. Pire : les fausses notes sont légion... Quelques belles fulgurances ("Pépé 68"; "Je suis Amoureux", "Reproductions" et un "Portrait du Jeune Homme en Artiste" exhumé de son tout premier album) démontrent que l'artiste est plein de belles promesses. Polnareff, Ferré, Morricone et Dominique A téléscopés sur une même scène; ça n'arrive tout de même pas tous les soirs. Sur son album, une chanson porte un titre révélateur de ce qui lui a fait défaut hier soir : "Ne sois pas trop exigeant". L'exigeance et une véritable direction musicale est ce qui a cruellement manqué à cet ingénieur de formation, hier soir. Et oui Arnaud...si, sur plan, ton concert tiens la route; il te reste à tenir compte des facteurs externes...comme le public, par exemple...Tu sais? Le public, ce sont ces gens que tu décris si bien à la première personne... L'inconvénient, c'est que la première personne, ce n'est pas SEULEMENT toi, Arnaud... Une belle preuve de courage et de vanité tout de même.

Celui qui a tout compris ce soir, c'est bien sûr Gaëtan Roussel. En pause carrière prolongée de Louise Attaque, il s'est déjà offert pas mal de récréations (sous forme de collaborations avec Vanessa Paradis, Bashung, Tarmac...) dont un premier album solo qui se vend plutôt bien et draine à lui seul le public du Cirque Royal. Le show est bien rôdé. 8 musiciens sur scène. Quelques vieux briscards dont Joseph Dahan, le bassiste de la Mano Negra et guitariste chez les Wampas, tout en testostérone. Les premiers rangs se souviendront longtemps de cette basse menaçante, fendant l'air telle une hallebarde durant tout le concert. A lui seul, il fit le show donnant une belle leçon de rock'n'roll sauvage. Les autres musiciens ne sont pas en reste; à commencer par une section rythmique puissante, carrée et ultra-efficace. Dès le premier titre, la salle entière se lève. L'allégresse ne retombera pas. On pense souvent au Rita Mitsouko dans ce qu'ils avaient de plus débridé et irrésistible. Roussel est décontracté, positif. Lui aussi fera les frais d'un ingénieur du son décidément paresseux. Sa voix étant souvent en retrait par rapport au reste du groupe. Seul bémol : sans doute par souci d'intégrité, l'ami Gaëtan ne puisera aucune chanson dans le répertoire de Louise Attaque...le show se construit uniquement sur la trame se "Ginger", son disque solo. Un disque qui, sur scène, se révèle une redoutable machine à danser.

dimanche 2 mai 2010

Emmanuelle Seigner vs Marie Warnant : la battle

A jamais auréolée de sa sulfureuse prestation SM dans "Lune de Fiel", Emmanuelle Seigner dégage une image intimidante qui risque de faire de l'ombre à son nouvel album. Qu'on ne se méprenne pas : "Dingue" n'est pas un disque de rock castrateur à la Juliette & the Licks. Et même si la présence d'Iggy Pop ne devrait rassurer personne, une première écoute révèle une sensibilité toute autre. Celle d'une femme à fleur de peau et de poésie. Les coups de fouets ne sont que des clins d'œils (le single "Dingue" ) , avantageusement remplaçés par de violons. Plus douce que sur son précédent disque avec le groupe Ultra Orange, la belle Emmanuelle se révèle vraiment touchante et attachante. En belle de jour et de nuit étonnament fidèle, elle convoque même son illustre mari (Roman Polanski) a pousser la chansonnette à ses côtés. Et tant pis si sa fâche. C'est là, tout de même, qu'on se rend compte que le tigre est en elle...
De très loin sa cadette, Marie Warnant s'en revient avec un deuxième album et semble, elle aussi, avoir pas mal bourlingué. Musicalement, "Ritournelle" marque un formidable bon en avant dans l'écriture de la jeune bruxelloise. Aidée par son compagnon Vincent Liben (Mud Flow), Marie Warnant nous livre des chansons amples et, au final, se révèle bien plus sombre et mangeuse d'hommes que notre "Dingue" de service.
Son album précédent s'intitulait "De un à Dix"..."Ritournelle" aurait pu s'appeler "Dix sur toute la ligne"

Michael Jackson vs Madonna : la battle...arbitrée par Alain Souchon

Bonjour, je m'appelle Alain Souchon. Je suis chanteur populaire et je sors un disque live très justement intitulé : "Alain Souchon (moi, donc) est Chanteur".
C'est un disque sans prétention...Captation fidèle de mon dernier tour de chant qui passa par Forest National en ce début d'année. Et comme l'hôte de ce joli blog s'était fendu d'un joli et gentil article à mon égard, je trouvais plutôt sympathique de venir lui rendre une petite visite d'agrément.
Comme il a beaucoup de travail en ce moment et qu'il n'est pas toujours de très bonne humeur, il m'a demandé de lui rendre un petit service en chroniquant un ou deux albums à sa place...
Comme j'avais le choix parmi une pléthore d'incontournables chefs d'oeuvres de pop contemporaine, je me suis tout naturellement porté sur des valeurs sûres...Certaines sont même définitivement sûres...
J'ai choisi deux artistes qui, à leur façon très personnelle, partagent une activité similaire à la mienne : la sortie d'un album live, donc.
D'un côté un mort très très vivant (Michael Jackson), de l'autre une quinca qui dégénère très fort (Madonna)...
J'aurais pu également choisir d'évoquer une vivante très très morte...mais je me suis dit qu'enfermer Mylène Farmer avec les deux autres dans le même cercueil, ça risquait de sentir le beurre rance.
Alors voilà des hommes en complet noir (non pas des agents des pompes funèbres, des responsables de maisons de disques) ce sont dit qu'il fallait rentabiliser l'évènement majeur de la décennie passée : le décès de Bambi.
Et ils ont eu raison, bien sûr. Nous, nous aurions tort de passer à côté d'un document si intéressant et si paradoxal. Le making-of d'un concert qui n'a jamais eu lieu. Tragédie en un acte digne de Corneille(pas le chanteur, l'autre) et de Racine. Finalement on se dit que si le concert avait eu lieu, on aurait peut-être pas eu droit à toutes ces belles émotions qui jaillissent au fil des séquences.
Et c'est exactement ce qui ne se produit pas lorsqu'on découvre le show de Madonna. Tout a été étudié par un tas d'hommes en complets noir (signés Jean Paul Gaultier, tout de même) pour bluffer le public. Et oui, ici, on aura droit qu'à l'esbroufe et au grand-guignol.
A côté de ces deux monstres bien dans leur époque (si je puis dire, cher Michael...)je trouve mon album live et le dvd qui l'accompagne fort sympathiques.
Bon c'est vrai, sur mon dvd, il n'y a qu'une seule chanson, quelques anecdotes et un court métrage en forme d'autobus...Mais vous n'imaginiez tout de même pas que j'avais l'intention de faire de l'ombre à mes amis du showbizz. Ce n'eut pas été très élégant, ni modeste de ma part...