On se souviendra des jours qui ont précédé la sortie du quatrième album de Daft Punk. Les 15 secondes de teasing, Slimane, les paillettes, le clip en kit... Le premier single, qui sort enfin: forcément un hit; forcément décevant (comme le fut "One More Time" en son temps).
On se souviendra que, quelques jours avant sa sortie officielle, l'album avait "leaké", et que tout le monde y allait de son bon mot, se revendiquant de la primauté de la découverte du nouveau Graal de la pop.
Le marketing, la hype... Très peu de rapport avec la musique.
Et, finalement, "Random Access Memories" est sorti...comme n'importe qu'elle autre disque depuis la nuit des temps...qu'il soit de polycarbonate ou de vinyle.
Les 17 premières secondes du titre d'ouverture semblent confirmer la grande révolution annoncée à grand renfort de communication. Sexy en diable, l'intro de "Give Life back to Music" annonce l'ambition du nouveau Daft Punk : remettre les pendules à l'heure...
Sans doute le duo d'esthètes parisiens ne s'est-il jamais vraiment pardonné d'avoir engendré cette galerie de monstres qui, de David Guetta aux Black Eyed Peas, se revendiquent de l'influence de leurs deux premiers albums ("Homework" en 1997 et surtout "Discovery" en 2001) tout en nivelant, sans le moindre scrupule, la pop vers le bas.
Attendu et annoncé comme le Messie, le retour du duo peut-t-il sauver la terre du déclin musical ? (pour Mars, il est déjà trop tard, Will I Am et Britney Spears y promènent déjà leur imbuvable rengaine...pauvres pierres...)
Affichant un pédigrée "bigger than life" (Nile Rodgers, Pharrel Williams, Julian Casablancas, Gonzales...pour ne citer qu'eux.) R.A.M. risquait de s’attirer bien des antipathies à sa sortie.
Ainsi, "Get Lucky", le single éclaireur, s'est rapidement vu qualifié de "sous Chic" par nombre de détracteurs.
Et lorsque l'intro de "Give Life Back to Music" fait place à cette rythmique guitare/basse reconnaissable entre mille, on se dit que l'affaire est pliée et qu'on a entre les mains un disque de pure revivalisme disco-funk "à la papa" et rien d'autre.
De fait, à aucun moment, ce disque n'est révolutionnaire. Une certaine désuétude est même au rendez-vous. Souvent touchante, parfois grotesque (fallait-il vraiment ressortir le Phantom of the Paradise du placard ?)
Pourtant, assez rapidement, la magie opère et l'album se révèle addictif. Sur ce disque Daft Punk a bel et bien perdu la sauvagerie mesurée qui les révela sur "Homework". Point de "Da Funk" ou de "Rollin & Scratchin' " ici. Les vocoders qui donnaient le vertige sur "Harder, Better, Faster, Stronger" sont encore très présents sur le nouvel album, mais se sont considérablement assagis (avec parfois de beaux moments, comme sur "The Game of Love" ou le renversant "Within"). L'électricité trash qui parcourait "Human After Hall" est totalement absente d'un disque qui se révèle souvent trop parfait, pour ne pas dire aseptisé et un peu vain dans ses tentatives de déraillement.
C'est au niveau du son que l'album se révèle vraiment passionnant. Ça n'aura échappé à personne, l'artwork de R.A.M. fait directement référence au "disque le plus vendu de tous les temps" : le parfait "Thriller", maître étalon de la pop, indépassable et indépassé.
Ceux qui, comme moi, n'ont pas résisté à se procurer les titres avant leur sortie officielle, ont découvert, quelques jours plus tard, la taille du mur du son qui sépare la version commerciale de toutes ces crottes mp3. Ces dernières ont par ailleurs connu le même sort que les programmes pirates du film Tron...l'éradication de mon disque dur.
D'une cohérence irréprochable, Random Access Memories se révèle un régal pour les oreilles (l'achat de la version vinyle est amplement justifié, une fois n'est pas coutume, pour un disque réalisé au 21e siècle)
Au final, c'est bien ici que réside la victoire du duo sur ses contemporains. En ré-insufflant cette vie à une dance-music de plus en plus nécrosée et systématique, Thomas Bangalter et Guy Manuel de Homem Christo se détachent, une fois encore, de la médiocrité ambiante.
Sur le titre fleuve "Giorgio by Moroder", Daft Punk déploie toute sa maestria savante et rend un émouvant hommage à l'inventeur du riff synthétique séquencé qui, depuis "I Feel Love" de Donna Summer, constitue la fréquence cardiaque de l'electro-pop...D'autres hommages (sans doute moins avouables) à des gens comme Cérone et tous ces faiseurs de disco-spaciale de la fin des années 70 qui m'ont procurés mes premiers émois musicaux de gosse parsèment cet album luxuriant. Des solos de guitares exhumés de cet époque vraiment baroque et barrée ("Instant Crush" qu'on croirait tout droit tiré de la version musicale dico de "The War of the Worlds" circa 1978), des jeux de batterie que les producteurs de l'ère Pro-Tools n'osent même plus envisager... Des musiciens cultes qui ont laissé leurs empreintes sur des albums qui ont forgé l'histoire de la pop.
Reste à savoir si la greffe prendra sur les "nouvelles générations"... Pour ça, on peut tout de même compter sur Pharrel et son impérieux "Lose Yourself to Dance" qui devrait faire des ravages sur les dancefloors du monde entier.
On se souviendra du quatrième album des Daft Punk comme étant celui du retour vers le passé...pour un avenir meilleur? Dieu seul le sait...
La vie est une compil. Chaque jour est une playlist. L'amour est un remix...
mardi 21 mai 2013
mercredi 15 mai 2013
Mes Nuits Botaniques 2013
Est-ce la crise ? Est-ce le froid ? Etait-ce une impression ? Les Nuits m'ont semblé plus claire-semées en ce Printemps 2013, décidément peine à jouir...
De la chaleur et du bonheur, il y en eut bel et bien, tout au long de cette édition.
Mes Nuits ont pourtant commencé par une déception (prévisible) : le concert des BB Brunes. Malgré un dernier opus aux virages electro souvent sexy, le groupe se contente sur scène d'incarner ce fantasme post Eddy Barclay qui les condamne définitivement à endosser l'héritage des Chaussettes Noires (eux qui se rêvent sans doute Pixies)
J'ai rarement entendu un groupe jouer aussi faux sur scène... Mais peut-être que mes tympans, vrillés par les cris de midinettes, n'étaient plus en mesure d'apprécier le spectacle à sa juste valeur. Auparavant, Elvis Black Stars avait fait le job, en récitant ses leçons apprises chez Blur et Oasis, à la fin du siècle dernier.
La première claque viendra du français Woodkid, auteur d'un des albums phares de 2013. Il avait annoncé un show millimétré et soigné tant sur le plan musical que visuel. Il n'aura pas déçu. Avec le Mons Orchestra en renfort, Yoann Lemoine livre un concert martial et solennel; sans doute quelque peu dépourvu d'émotion, mais vraiment très impressionnant de justesse et de maîtrise. Un coup de maître.
Délaissant le Cirque Royal pour revenir aux origines; c'est à l'Orangerie que j'assisterai au meilleur concert de ma sélection 2013. J'étais venu voir Benjamin Schoos qui présentait son excellent album "China Man vs China Girl" (très récemment et justement prisé aux Octaves de la musique et par l'Académie Charles Cros) dans une formule "à cordes". Incarnant à merveille ce crooner borderline (qui n'a pas manqué de déranger quelque peu une partie non initiée du public...à mon grand amusement); le stakhanoviste verviétois a su tirer parti du quatuor à cordes enjolivant sa pop brillante.
Mais le vrai empereur de la soirée fut sans conteste le grand Daan qui a livré un concert protéiforme : mêlant rock, pop, electro, chanson, cabaret sauvage... Passant d'un français canaille à un anglais suave, entrecoupé de quelques mots en flamand rocailleux. Une véritable révélation qui, au lendemain du concert m'a poussé à me procurer l'intégrale des albums de l'ancien Dead Man Ray.
Toujours à l'Orangerie, quelques jours plus tard, je découvre Superpoze, jeune "turntablist" venu de Caen. Belle mise en bouche pour une soirée qui s'annonce tendue. Le set cohérent de Yan Wagner (quelque peu saboté par un trio de fans imbibés) est une excellente surprise. L'electro à la fois minimaliste et puissante, produite par Arnaud Rebotini et référencée Kraftwerk/Daho passe très bien le cap de la scène et révèle un performer sexy en diable.
Évidemment, tout le monde est là pour Lescop. D'emblée, Mathieu , le chanteur et instigateur du projet, installe un climat de tension extrême. Le groupe bande ses muscles et livre un répertoire steroïdé. Ce que les chansons gagnent en puissance; malheureusement elles le perdent en justesse. Dommage...oh et puis non, let's rock ! La foule est chauffée à blanc. Etrangement, l'agressivité est palpable dans le public. Le groupe qui avait ouvert pour Daniel Darc lors de la précédente édition du festival, lui rend un vibrant hommage.
Entre temps, les Nuits délocalisent à Mons. Benjamin Biolay y posera son joli manège... Sans moi...mais le souvenir de sa prestation à l'A.B. deux semaines auparavant me console.
Au rayon des rendez-vous manqués : Justice, bien sûr... alors que Daft Punk semble rangé des voitures, le groupe de Gaspard Augé et Xavier de Rosnay est désormais le seul à incarner cet aspect à la fois subversif et mainstream de la scène electro française...mais la Ed Bangers Night est archi sold-out
Et je ne pourrai même pas me consoler auprès de la douce Melanie Debiasio : une des révélations musicales de ce début d'année pour moi.
La saison 2013 s’achèvera au Cirque, où elle avait commençé. Lou Doillon y campera un joli clown charmeur, évoquant de façon troublante la silhouette de son illustre mère. Pas avare pour un sou, elle offrira un concert de près d'1h30 (alors qu'elle n'a qu'un seul album à son actif) agrémenté de quelques excellentes reprises (The Clash & The Pretenders).
En première partie, les inattendus V.O. livrent un set très orchestré rappelant parfois les Tindersticks mais qui gagnerait toutefois à plus de dépouillement. Certaines de leurs chansons souffrant du côté par trop alambiqué des mélodies.
Pourvu que les Nuits restent les Nuits...mais surtout, pourvu que le Printemps vienne...A l'année prochaine !
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